Témoignage 10. Encadrer c’est aussi prendre en charge

Ce texte est le quatrième témoignage de la série “Pratiques d’encadrement doctoral et violences sexistes et sexuelles vécues sur le terrain d’enquête”, tirée d’entretiens effectués avec des encadrant·e·s.

Il y a un vrai manque de formation des encadrant·e·s au sujet des violences sexistes et sexuelles dans l’enquête, et sur le rôle à prendre en temps de directeur ou directrice de thèse. Et les doctorant·e·s qui subissent des violences ne sont absolument pas prises en charge. Il devrait y avoir des budgets pour les rapatriements par exemple.

Récemment, un collègue que je connais bien n’a pas su réagir face à une doctorante qui a été agressée sur son terrain. Et franchement, qu’est-ce que c’est décevant de voir que même des encadrants qui ont beaucoup lu sur le sujet, qui sont sensibles à ces questions-là, se trouvent “démunis”. Il a dit à une doctorante qui vient de se faire agresser qu’elle fait comme elle veut, que si elle veut rester sur son terrain c’est ok, et que si elle veut partir aussi c’est okay, enfin que c’est comme elle veut. C’est mou ! C’est pas du tout de la prise en charge. Alors même qu’on sait qu’une personne qui se fait agresser, et qui est en état de choc, ne peut souvent pas décider seule. À un moment, il faut agir, prendre en charge. C’est un rapatriement, avec une prise en charge des billets, c’est lui offrir la possibilité de se sortir de cette situation et de pouvoir en parler. Ensuite, on peut réfléchir sur l’après, sur l’enquête et ce qu’il est possible de faire ou non : retourner sur le terrain, contourner le sujet autrement, etc. Il y a un vrai écart entre les connaissances théoriques et ce qui est fait en pratique. 

BADASSES : Ce qui est emmerdant, c’est qu’en étant sensibilisé à la question des violences sexistes et sexuelles, et plus largement au féminisme, la peur de reproduire une forme de paternalisme dans l’accompagnement peut amener à ne pas savoir comment réagir et à être tout aussi démuni·e.

C’est pour ça qu’il faut des formations, il faut qu’il y ait un minimum de connaissance de ce qui est bien de faire ou non pour accompagner, encadrer. Parce qu’on peut pas laisser quelqu’un·e qui est incapable de décider prendre la décision de rester ou de partir. Et c’est justement pour éviter que la prise en charge reproduise une forme de paternalisme, qu’il faut de la formation. Comment faire pour accompagner sans avoir une approche paternaliste, ça s’enseigne. C’est des compétences qu’on peut acquérir.

---

---