Témoignage 8. “Se foutre à poil”

Ce texte est le troisième témoignage de la série “Pratiques d’encadrement doctoral et violences sexistes et sexuelles vécues sur le terrain d’enquête”, tirée d’entretiens effectués avec des encadrant·e·s.

Je voudrais que les collègues arrivent à comprendre que quand on parle de violences sexuelles qu’on a subies, on se fout à poil devant la personne à qui on en parle . Y compris si la personne a qui l’on en parle semble disposée à recevoir cette parole (ce qui est très loin d’aller de soi).

A partir du moment où il y a du pouvoir dans la relation, quelle que soit la forme de pouvoir, à partir du moment où on dit quoi que ce soit qui a à voir avec la façon dont on a été transformée comme objet sexuel à un moment donné, on performe l’objet sexuel, encore plus si on est une femme, et on est susceptible de se trouver en danger dans la relation professionnelle en raison de ce seul récit. Arriver à leur faire comprendre que c’est une telle exposition de soi, c’est très compliqué. C’est aussi pour ça que je n’ai pas de solution simple à propos des façons de s’y prendre : ce n’est pas simple et on sait bien que tous les cas sont à chaque fois des cas compliqués. La parole ne peut pas circuler seulement entre copines parce que l’institution a des responsabilités mais tout n’est pas toujours dicible…

Une autre chose qu’il me semble important de dire aux collègues, c’est que, quand il y a quelque chose qui se formule, il ne faut pas induire une logique de confession, poser plein de questions, susciter un récit détaillé : on n’a pas besoin de tout savoir pour comprendre qu’il y a un problème. Il faut faire attention à ce dont on a besoin pour sécuriser les gens et pour comprendre les situations. Sur la sexualité en particulier, si la personne veut en parler et qu’on peut recevoir le message y compris s’il est très sexualisé ok, mais il ne faut pas se transformer en voyeur ou en détective, parce que ces récits engagent l’intimité des gens.

Votre blog est une super initiative parce que c’est un espace collectif sécurisé, sur lequel se partagent des expériences, des solutions concrètes, des analyses fondées sur la pratique, pas sur des fantasmes, c’est très important.

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